ALDIFOR
Vous trouverez ici les modules de formation correspondant au numéro 44.1 (2025) de Recherches et Pratiques Pédagogiques en Langues, publication collective issue du projet ALDIFOR mené au sein du GIS de l'Académie de Paris.
Ces modules vous seront utiles pour la formation des enseignants du 1er et du 2nd degré ainsi que du supérieur. |
Il s'agit d'un numéro spécial, sous la direction de Claire Tardieu qui est présidente du conseil scientifique du GIS-RREEFOR de l’académie de Paris et responsable de l’axe 3 et du projet ALDIFOR. Ce numéro est intitulé "Enseignement des langues et enseignement par les langues : de la recherche à la formation de la maternelle à l’université" ("Teaching languages and teaching through languages: from research to training from preschool to university").
Ce numéro de Recherche et pratiques pédagogiques en langues est issu des travaux d’un groupe de chercheurs impliqués dans le projet ALDIFOR (Étude des Appropriations Linguistiques et Disciplinaires en contexte plurilingue pour la Formation des professeurs). Mené au sein de l’axe 3 du GIS-RREEFOR (Réseau de Recherche en Éducation Enseignement et Formation) de l’académie de Paris, ce projet et la publication qui en découle aujourd’hui s’inscrivent pleinement dans l’objectif spécifique de ce GIS, décliné ici en quatre actions majeures :
- Fédérer les acteurs de la recherche pour l’éducation, l’enseignement et la formation ;
- contribuer à la constitution d’une communauté de pratiques de formation ;
- créer une interface entre recherche, formation et professionnalisation ;
- contribuer à l’innovation dans les formations, irriguer la recherche par les terrains et réciproquement.
Présentation du projet ALDIFOR
Le projet pluridisciplinaire ALDIFOR vise à fédérer des acteurs du monde éducatif de différents statuts, à créer un lien fort entre la recherche, la formation et le terrain, ainsi qu’à présenter des travaux innovants susceptibles d’intégrer la formation des enseignants. Le numéro qui lui est ici consacré s’intéresse à la place de la langue et des langues dans les enseignements en France de la maternelle à l’université. Cette question nous semble au cœur de la problématique du système éducatif français.
Éléments de contexte positifs et satisfaisants
Le contexte actuel est marqué par des tendances contrastées. Des éléments positifs et source de satisfaction doivent tout d’abord être mentionnés.
Ainsi, la note d’information de la DEPP (Direction de l’Évaluation, de la Performance et de la Prospective du Ministère de l’Éducation Nationale) de 2024 (Ministère Éducation Nationale. Note d’information n° 24.24. Juillet 2024) fait état d’un progrès dans la maîtrise du français chez les élèves à mi-CP par rapport à 2023 et d’une réduction des écarts entre secteurs de scolarisation.
Par ailleurs, comme le rapporte Laurence Brun, sur les 89500 élèves allophones arrivés en France en 2022-2023, neuf sur dix ont pu bénéficier d’un enseignement de français langue seconde (FLS) en UPE2A (unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants) (Ministère Éducation Nationale. Note d’information n° 24.40. Septembre 2024. En fait, cela correspond à ceux qui ont bénéficié d'un soutien en FLS (français langue seconde), ce qui peut prendre différentes formes dont l'UPE2A mais aussi un soutien en classe ordinaire. Pour l'UP2A, c'est 66% si on cumule UPE2A et UPE2A NSA (non scolarisés antérieurement)). Les compétences de compréhension orale s’améliorent, y compris en anglais (Ministère de l’Éducation Nationale. Note d’information n° 24.37. Septembre 2024) comme le montrent les évaluations longitudinales CEDRE (Évaluation CEDRE (Cycle des Évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon)) de la DEPP.
Résultats en baisse de l'évaluation PISA
Tout ceci est bien sûr encourageant. Cependant, les résultats de l’évaluation PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) de 2022 (sur les élèves de 15 ans) demeurent marqués par deux phénomènes inquiétants :
- Phénomène 1 : une baisse de 19 points (presque 20% d’écart-type) en compréhension de l’écrit par rapport à 2018, le score moyen n’étant pas statistiquement supérieur à la moyenne de l’OCDE alors qu’il l’était quatre ans plus tôt ;
- Phénomène 2 : un glissement des élèves vers les niveaux les plus bas (Les résultats sont classés selon neuf niveaux et le nombre d’élèves figurant dans le niveau un (le plus bas) a augmenté, tandis que le nombre d’élèves figurant dans les niveaux supérieurs a diminué.).
Maîtriser la langue de scolarisation : un enjeu de réussite scolaire
Ces résultats en baisse peuvent s’expliquer en partie par la crise du Covid, mais la note d’information de la DEPP indique également que « la France fait partie des pays où la relation entre la performance en compréhension de l’écrit et l’origine socio-économique et culturelle est la plus forte » (DEPP. Note d’information n° 23.49. Décembre 2023). En expression écrite, sans parler de la maîtrise de l’orthographe qui est en régression depuis les années quatre-vingt, on note une difficulté à rédiger des paragraphes longs, et ceci vaut aussi dans les évaluations en langues étrangères. Or, il s’avère que la maîtrise de la langue de scolarisation (ici le français) est corrélée à la réussite scolaire et à la perspective d’études supérieures ([ARCHIVE] La maîtrise de la langue française : un plan d'action global) . Le fait de placer en premier dans le socle commun de connaissances et de compétences « Les langages pour penser et communiquer » souligne l’importance de cet enseignement mais invite aussi à s’interroger sur l’articulation entre la langue française et les autres langues et langages.
Cette question de l’enseignement des langues et de l’enseignement par les langues au sein de la classe semble donc cruciale et se pose aujourd’hui en des termes en forte évolution depuis les deux dernières décennies avec les travaux sur le bi-plurilinguisme ou sur le translanguaging au positionnement plus radical. Ainsi François Grosjean définit-il le bi-plurilinguisme comme « l’utilisation régulière de deux ou plusieurs langues ou dialectes dans la vie de tous les jours » (Grosjean, 2015, p. 16-17). Le canadien Jim Cummins (Cummins et al. 2015), quant à lui, développe une démarche qui consiste à laisser les enfants utiliser leur langue maternelle pour entrer dans la langue de scolarisation, sans aller aussi loin que Ofelia Garcia et Li Wei pour qui, à l’instar de Sinfree Makoni et Alastair Pennycook, les langues n’existent pas en elles-mêmes mais sont « l’invention de mouvements politiques, culturels et sociaux » […] (2007, p. 3, cité par Garcia et Wei, 2014, p. 17, notre traduction) (Languages do not exist as real entities in the world and neither do they emerge from or represent real environments; they are, by contrast, the inventions of social, cultural and political movements […]).
Conscients de tous ces enjeux, les contributeurs de ce numéro s’inscrivent dans une approche ouverte, centrée sur un enseignement des langues adapté aux besoins de compréhension et d’expression actuels.
Problématiques de recherche
- Comment les enseignants de langue étrangère, de français ou de mathématiques, au collège et au lycée, ou encore les professeurs des écoles maternelles et élémentaires, formés à la polyvalence, développent-ils le plurilinguisme des élèves ?
- Quels liens établissent-ils entre les langues de la classe et la langue de scolarisation ?
- Et comment l’enseignement supérieur met-il à profit la pluralité des langues en présence ?
- Quelles modalités créatives peuvent contribuer à enrichir le répertoire linguistique et culturel des étudiants ?
Ces questions vives de la recherche contemporaine nous semblent primordiales pour la formation des enseignants et nous avons souhaité faire connaître nos recherches sur le sujet en les rendant plus accessibles et pertinentes sur le terrain. Ainsi, ce numéro consacré à l’enseignement des langues, l’enseignement par les langues s’adresse en priorité aux formateurs de professeurs des écoles, de collèges et lycées et de l’enseignement supérieur, qui trouveront des modules complémentaires accessibles en ligne sur le site de l’INSPÉ de Paris, utilisables en formation. Ce numéro concerne donc de manière directe ou indirecte un large public auquel est offerte la possibilité de faire le lien entre les travaux des chercheurs et les applications concrètes sur une thématique ultra contemporaine.
Participants au projet
Un collectif de douze enseignants et enseignants-chercheurs de sept universités françaises différentes ont participé à ce projet ; ils travaillent à partir de corpus, c’est-à-dire de données issues du terrain.
- Céline Beaugrand
- Pauline Beaupoil-Hourdel
- Violaine Bigot
- Clélia Daniel
- Céline Horgues
- Malory Leclère
- Marie-Claire Lemarchand-Chauvin
- Catherine Mendonça Dias
- Karine Millon-Fauré
- Olivier Mouginot
- Sofia Stratilaki-Klein
- Claire Tardieu
Numéro 44.1 - Recherches et Pratiques Pédagogiques en Langues
Le numéro compte sept articles. Chaque article comporte un volet recherche (cadrage théorique, protocole expérimental, analyse de corpus, discussion) auquel s’ajoute un volet pratique proposant des outils didactiques pour la formation. Ce volet pratique prend la forme d’un module comportant deux ou trois types de documents :
- des capsules vidéo présentant de manière simple et claire le volet recherche ;
- un dossier documentaire avec des supports tels que des fiches pratiques, des scénarios de cours, des exemples de dispositifs, etc. ;
- enfin, dans certains cas, des capsules audio ou vidéo de l’expérimentation proprement dite.
Tous les modules sont accessibles aux formateurs sur le site de l’INSPÉ de Paris, avec des restrictions pour les vidéos plus confidentielles. |
Présentation des sept articles
Articles sur le 1er degré
Contribution de Pauline Beaupoil-Hourdel et Clélia Daniel
Concernant le premier degré, l’article de Pauline Beaupoil-Hourdel (MCF, linguistique et didactique de l’anglais, Sorbonne Université – INSPE - CELISO) et Clélia Daniel (maître formatrice de l’académie de Paris) est le fruit d’une collaboration entre une chercheuse et une enseignante d’école maître formatrice. Le corpus est constitué de 17 heures d’enregistrement de séances d’anglais en moyenne et grande section d’école maternelle. Les résultats montrent qu’au-delà des apprentissages purement linguistiques, les élèves développent des compétences d’expression multimodale, des stratégies de communication en interaction utiles pour les conversations dans la salle de classe et en dehors, ainsi que des compétences plurilingues. En ce qui concerne l’enseignant, cet article insiste sur la nécessité de faire conscientiser certaines pratiques multimodales et notamment le recours à la gestuelle pendant les séances d’apprentissage de l’anglais.
Contribution de Malory Leclère et Violaine Bigot
La contribution de Malory Leclère (MCF FLE, Université Sorbonne Nouvelle - DILTEC) et Violaine Bigot (PU, Université Grenoble-Alpes – LIDILEM et DILTEC (associée) s’adresse aux formateurs en cycle 3 de l’école élémentaire et porte sur l’utilisation de corpus vidéo. Elle vise plus particulièrement la formation à la gestion interactionnelle de la construction du sens en classe de langue (maternelle, seconde ou étrangère). La réflexion prend appui sur deux expérimentations de démarches de formation menées auprès de (futurs) enseignants de langues (Master DDL, Université Sorbonne Nouvelle et Université Paris Cité) à partir d’un corpus vidéo de séances de lecture du conte Le petit chaperon rouge de Roald Dahl menées par cinq enseignants d’école élémentaire (cycle 3). L’analyse des gestes professionnels déployés par ces enseignants et de leurs discours sur leurs pratiques (entretiens d’explicitation individuels et collectifs) constitue la matière première des expérimentations en formation.
Contribution de Sofia Stratilaki-Klein
Sofia Stratilaki-Klein (MCF, FLE, Université Sorbonne Nouvelle - DILTEC et Université du Luxembourg) présente l’analyse de données discursives provenant d’une séance de formation académique qui a été proposée par le Casnav de Paris en 2020, formation enregistrée destinée aux enseignants du premier degré des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) ainsi qu’à d’autres acteurs du système éducatif des écoles parisiennes. Cette formation s’appuie sur le projet européen PLINSCO (2017-2020) de recherche-formation qui s’est donné comme objectif principal de lutter contre les discriminations langagières. La finalité de la formation est de former les enseignants à l’inclusion scolaire et à la cohésion sociale en tenant compte des acquis plurilingues des élèves allophones, acquis que les enseignants doivent apprendre à mettre en œuvre pédagogiquement dans les activités d’apprentissage de la langue de l’école.
Article sur le 1er et le 2nd degré
Contribution de Catherine Mendonça Dias, Céline Beaugrand et Karine Millon-Fauré
Catherine Mendonça Dias (MCF en didactique des langues, Sorbonne Nouvelle - DILTEC), Céline Beaugrand (MCF en didactique des langues, INSPÉ de Lille) et Karine Millon-Fauré (MCF en didactique des mathématiques, Aix-Marseille Université - ADEF) s’emparent également de la question des élèves allophones et des classes UPE2A pour les nouveaux arrivants pour lesquels le français est bien une langue seconde. Ces élèves doivent ainsi à la fois étudier le français et étudier en français. Les chercheuses ont analysé un corpus vidéo de séances observées et filmées en cours de mathématiques en UPE2A en école élémentaire et au collège. Elles analysent ainsi plus particulièrement les discours des élèves dans l’activité mathématique pour d’une part, décrire la forme linguistique, voire multimodale que ces discours prennent, et d’autre part relever les gestes professionnels ou les discours des enseignants qui agissent, en soutenant ou au contraire en faisant obstacle à cette prise de parole élève que les autrices considèrent importante dans les processus de l’apprentissage des mathématiques.
Articles sur le 2nd degré
Contribution de Marie-Claire Lemarchand-Chauvin
La cinquième contribution, celle de Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, (MCF didactique de l’anglais à l’Université de Lorraine - INSPE, ATILF), soulève les questions suivantes : dans quelle mesure est-il possible d’accompagner les enseignants vers une prise en compte du répertoire langagier des élèves afin d’en faire un atout pour l’apprentissage de l’anglais au collège ? Une pratique pédagogique prenant appui sur le plurilinguisme peut-elle avoir un impact positif sur les émotions des élèves et des enseignants et contribuer à un meilleur climat de classe ? Le corpus analysé est fondé sur une recherche-action-formation menée avec deux enseignantes d’anglais exerçant dans des collèges REP+ de l’académie de Créteil.
Contribution de Céline Horgues et Claire Tardieu
Concernant l’enseignement supérieur, Céline Horgues (MCF phonologie anglaise, Université Sorbonne Nouvelle – Prismes – Sesylia) et Claire Tardieu (PU didactique de l’anglais, Université Sorbonne Nouvelle – Prismes – Sesylia) analysent les résultats d’une expérimentation longitudinale menée sur trois semestres universitaires qui a permis de constituer un corpus de réponses à un questionnaire bilan déclaratif a posteriori portant sur l’efficacité d’un dispositif. Ce dispositif consiste en un échange en télétandem entre des étudiants anglicistes de la Sorbonne Nouvelle et des étudiants anglophones à distance désireux les uns et les autres d’améliorer leurs compétences linguistiques et culturelles dans la langue natale de leur partenaire. Ces analyses ont permis de comparer des pratiques de teletandem plus ou moins encadrées et de faire émerger des recommandations en formation des professeurs pour l’implantation de dispositifs similaires adaptés à différents contextes : enseignement supérieur mais aussi lycée ou collège.
Articles sur l'enseignement supérieur
Contribution d'Olivier Mouginot
Enfin, dans la septième et dernière contribution, Olivier Mouginot (MCF en didactique du FLE/S, Université de Franche-Comté - CRIT) rend compte d’une pratique d’écriture de journaux réflexifs par des étudiants de master FLE/S. Intégré à un enseignement dédié aux pratiques créatives en classe de langue, cet outil formatif est conçu comme un levier heuristique pour accompagner les étudiants dans la découverte d’activités langagières et le repérage de médiations associées aux « ateliers du dire » (Mouginot, 2018). Rebaptisées pour l’occasion « journaux d’atelier », ces ressources autoréflexives sont partagées au sein de la classe et utilisées à divers moments pour aider à identifier les finalités et apports de telles pratiques sociolangagières en situation d’enseignement-apprentissage du français. Cette contribution s’inscrit, d’une manière plus générale, dans un chantier de recherche dédié à la dimension interactionnelle du « faire atelier » (Mouginot, 2020) en éducation et formation.
Références bibliographiques
Brun L., 89 500 élèves allophones nouvellement arrivés scolarisés en 2022-2023 : neuf sur dix bénéficient d’un soutien en français langue seconde, Note d'Information n°24-40, DEPP, https://doi.org/10.48464/ni-24-40
Cummins, J., Hu, S., Markus, P. & Montero, K. (2015). Identity Texts and Academic Achievement: Connecting the Dots in Multilingual School Contexts. Tesol Quarterly, 49 (3), 555-581.
Garcia, O. & Weil, L (2014). Translanguaging : Language, bilingualism and Education. Palgrave MacMillan.
Grosjean, F. (2015). Bicultural bilinguals. International Journal of Bilingualism, 19(5), 572‑586.
Makoni, S. et Pennycook, A. (dir.) (2007). Disinventing and reconstituting languages. Multilingual Matters.
Mouginot, O. (2018). Les ateliers du dire (lectures, écritures, littératures) : enjeux et expériences de la voix en langue(s) étrangère(s) [thèse de doctorat, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3]. HAL. https://theses.hal.science/tel-02147370
Mouginot, O. (2020). Ateliers d’écriture et didactique du français langue étrangère : enjeux théoriques et pratiques des essais de voix en contexte de formation universitaire. Synergies Italie, 16, 41-58. https://gerflint.fr/Base/Italie16/mouginot.pdf